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Le pot fêlé : Transmis par Jean-Claude Carrière dans Le cercle des menteurs Éd. Plon 1998 PDF Le pot fêlé
La vie, la vraie : Gaston Lagaffe (10), par Franquin PDF La vie, la vraie
Le saint soudain sourd : Transmis par Jean-Claude Carrière dans Le cercle des menteurs Éd. Plon 1998 PDF Le saint soudain sourd
La vraie différence : Transmis par Jean-Claude Carrière dans Contes philosophiques du monde entier (Le cercle des menteurs 2) Éd. Plon 2008 PDF La vraie différence
L'amour triomphe de tout : Lucky Luke : L'héritage de Ran Tan Plan, par René Goscinny, d'après Morris. PDF L'amour triomphe de tout
Le mérite : Transmis par Jean-Claude Carrière dans Contes philosophiques du monde entier (Le cercle des menteurs 2) Éd. Plon 2008 PDF Le mérite


Le pot fêlé
Transmis par Jean-Claude Carrière dans Contes philosophiques du monde entier (Le cercle des menteurs 2) Éd. Plon 2008

 (...)
    Un porteur d'eau, quelque part en Inde, transportait de l'eau d'une source jusqu'à un village, où il la vendait. Il portait son fardeau dans deux pots, attachés à une barre de bois de chaque côté de ses épaules.
    Le pot qu'il portait à droite était intact, et arrivait toujours plein au village, mais le pot de gauche, fêlé, perdait la moitié de l'eau en chemin.
    Cela dura des années. L'homme n'avait pas les moyens de s'acheter un autre pot. Un jour le pot fêlé prit la parole et dit au porteur :
    - Je suis honteux de mon imperfection et je te demande pardon. Je perds l'eau que je devrais garder. Vraiment, j'ai honte, je t'assure.
    Le porteur regarda le récipient et lui dit :
    - À notre prochain voyage, tu regarderas du côté gauche du chemin, de ton côté.
    - Et qu'y verrai-je ? demanda le pot.
    - Tu y verras les fleurs auxquelles ton eau perdue, pendant tout ce temps, a donné la vie.


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La vie, la vraie

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Le saint soudain sourd
Transmis par Jean-Claude Carrière dans Le cercle des menteurs Éd. Plon 1998

    Le comportement des vrais maîtres peut sembler quelquefois surprenant, voire excessif, comme dans cette autre histoire arabe.
   Une vieille femme marchait depuis des années pour enfin se trouver face à face, mais seulement pendant quelques instants, avec un saint ermite à la réputation prodigieuse qui vivait dans un grand désert. À vrai dire, ce désert se trouvait très largement peuplé de pèlerins qui venaient en nombre, de tous les points du monde, pour recevoir la parole admirable, toucher la terre devant le saint homme, affronter son regard (on disait que ce regard avait vu Dieu) et repartir.
    Ces pèlerins vivaient sous des tentes, ou bien couchaient à la belle étoile. D'habiles commerçants vendaient, dans le désert, tout ce qu'on dit nécessaire à la vie et même des colifichets superflus. Hommes et femmes attendaient, formant une longue file qui serpentait dans la rocaille et avançait très lentement vers l'entrée de la grotte où se tenait l'ermite, en compagnie de ceux qui le servaient.
    La vieille femme, qui avait consacré toutes les forces de sa vie à ce voyage, attendit comme les autres. Cette attente dura plusieurs semaines. Elle avançait au rythme très lent de la file, dépensant ses dernières ressources pour acheter un peu de nourriture aux ambulants, qui ne cessaient d'aller et venir en offrant bruyamment leurs produits.
    Quand elle vit que son tour approchait d'être mise en présence du saint, le coeur de la vieille femme accéléra sa marche. Elle se sentait frappée par l'émotion. Elle ne pouvait pas croire qu'une rencontre aussi longuement désirée allait ce jour-là se produire. Elle n'osait même pas lever les yeux vers le visage de l'ermite, assis à l'entrée de la grotte.
    Quand le pèlerin qui la précédait se retira, un des assistants vint la saisir par un bras pour l'aider à franchir les quelques pas qui la séparaient du saint homme.
    Puis elle s'assit. Mais en s'asseyant, son corps échappa à sa volonté et elle lâcha un pet. Un pet bien sonore.
    Horriblement confuse, elle se tenait en face de l'ermite, ne sachant que dire ou que faire, songeant à se relever et à s'enfuir. Mais l'ermite se pencha vers elle et lui demanda, une main posée comme une conque marine autour de son oreille :
    - Que dis-tu ?
    La vieille femme releva son visage et le regarda. Elle rencontra les yeux innocents et bienveillants de l'ermite, toujours penché vers elle. Et l'ermite lui dit encore :
    - Mon oreille est très affaiblie. Parle un peu plus fort, je te prie. Que m'as-tu dit ?
    Le bonheur envahit le corps et l'âme de la femme comme une eau chaude et parfumée. Elle sourit, et elle dit à l'ermite ce qu'elle était venue lui dire. L'ermite, une main toujours placée autour de son oreille, l'écouta très attentivement, en hochant la tête pour montrer qu'il la comprenait, qu'elle parlait avec assez de force. Puis il lui répondit avec calme et intelligence et ce fut à la vieille femme d'écouter en hochant la tête. Après quoi elle baisa la terre devant lui et se retira très heureuse.
    Quand le visiteur suivant se présenta devant l'ermite, celui-ci garda sa main devant son oreille. Il voulait que tout le monde le crût sourd, pour que personne ne pût informer la vieille femme du subterfuge.
    Il continua avec les autres visiteurs, leur demandant de hausser le ton quand ils s'exprimaient. Tous lui obéirent.
    Il continua pendant des mois, pendant des années, avec les pèlerins, avec ses assistants. Il n'écoutait qu'en entourant l'une de ses oreilles avec sa main. Et tout le monde parlait de lui comme d'un sourd.
    Un jour, dix-sept ans plus tard, il apprit la mort de la vieille femme. Alors il abaissa sa main, il sourit, il appela tous ceux qui l'entouraient et il annonça que le Seigneur, par un miracle inexplicable, venait de lui rendre l'ouïe.

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La vraie différence
Transmis par Jean-Claude Carrière dans Contes philosophiques du monde entier (Le cercle des menteurs 2) Éd. Plon 2008

 À Bagdad, autrefois, un groupe de philosophes et de savants, parmi lesquels se trouvaient quelques Grecs et même des Indiens, entreprirent une longue discussion pour tenter de répondre à une question qui se posait depuis longtemps : existe-t-il deux catégories d'hommes ?
    La plupart étaient d'accord pour répondre par l'affirmative, mais ils s'opposaient, et parfois même vivement, quand il fallait définir les raisons de cette division.Comment séparer en deux les êtres humains ? C'est assez simple, disaient les musulmans convaincus, il y a les fidèles et les infidèles. Un point, c'est tout.
    Les chrétiens refusaient évidemment d'accepter ce critère, qui les rabaissait à une catégorie inférieure, ou extérieure. Ils préféraient parler de ceux qui seront sauvés, et de ceux qui seront damnés.
    De leur côté les Grecs, se référant à Aristote, affirmaient que la différence tenait non pas à la religion, ou à ce que nous appelons la culture, mais essentiellement à la naissance. À les entendre, certains venaient au monde dans une position dominante, qui jamais ne changerait, tandis que d'autres naissaient avec la condition d'esclave inscrite à jamais dans leur sang.
    Pour les Grecs - mais ils se gardaient de l'affirmer trop hautement -, l'humanité se divisait bel et bien en deux catégories : les barbares et les Grecs.
    D'autres, plus raffinés, plus nuancés, disaient que l'intelligence de chaque individu pouvait jouer un rôle, qu'elle lui permettait par exemple d'acquérir des connaissances par l'étude et la fréquentation des bons maîtres, et même de sortir parfois de la place où la nature semblait l'avoir placé à sa naissance. Et ces mêmes esprits disaient que l'humanité pouvait en effet se diviser en deux : ceux qui savent et ceux qui ignorent.
    Pour le dire autrement : les instruits et les ignorants.
    D'autres demandaient : mais pourquoi chercher aussi loin ? Il y a dans le monde des riches et des pauvres. Et cela suffit à faire la différence !
    D'autres encore : il y a ceux qui ordonnent et ceux qui obéissent, ceux qui sont nés pour gagner, ceux qui sont nés pour perdre.
    Quelqu'un, qui venait des confins de l'Inde, dit même : « Oui, il y a deux catégories d'humains, celle des vivants et celle des morts. »
    Il y eut même des voix, à vrai dire assez rares, pour dire que les humains se divisaient tout simplement entre les bons d'un côté et les méchants de l'autre. ce qui ne faisait, comme quelqu'un le remarqua, que déplacer la question. Comment en effet, selon quels critères assurés, distinguer les bons des méchants ?
    Après plus d'un mois de discussions et d'argumentations riches d'anecdotes et d'exemples, les participants de cette rencontre mémorable durent se séparer. Malgré leur érudition et toute leur bonne volonté, il leur était impossible de parvenir à une conclusion ferme et partagée. Et force leur fut de le reconnaître.
    Ils se séparèrent donc, non sans quelque déception inavouée.
    Un petit groupe d'entre eux, dans la rue, rencontrèrent alors l'inévitable Nasreddin Hodja, qui passait tranquillement sur son âne. Un des savants, qui vivait à Bagdad et connaissait le personnage, lui demanda :
    - Nasreddin ! Existe-t-il deux catégories d'hommes ?
    - Bien sûr ! répondit Nasreddin sans s'arrêter.
    - Lesquelles ? demanda le savant.
    Nasreddin répondit, en tournant à peine la tête, tandis que son âne l'emportait :
    - Ceux qui pensent qu'il y a deux catégories d'hommes, et les autres !


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L'amour triomphe de tout

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Le mérite
Transmis par Jean-Claude Carrière dans Contes philosophiques du monde entier (Le cercle des menteurs 2) Éd. Plon 2008
   
L'histoire que voici (est) d'origine turque (...).
    Un homme qui vivait à Istanbul, et qui était âgé de soixante ans, épousa par amour, malgré les conseils de ses amis, une jeune et jolie femme.
    L'homme était très honorablement connu, riche, et l'on faisait souvent appel à lui pour avoir son avis dans les affaires délicates.
    Il lui arriva ce qui arrive assez souvent aux hommes âgés et imprudents. Sa jeune femme prit un amant de son âge, qu'elle voyait clandestinement dans une maison de rendez-vous fort discrète, tenue par une vieille entremetteuse.
    Si habile que fussent les deux femmes, cette liaison fut un jour connue. Des amis très prévenants se firent un devoir - et un plaisir - de raconter au mari trompé son infortune. L'homme fit vérifier leurs dires. Il convoqua l'entremetteuse et, sous la menace (et à l'aide d'un sac d'argent), lui fit tout avouer.
    Il fit alors appeler sa femme, qui se doutait de quelque chose, et qui ne put nier l'évidence. Sous les accusations précises de son mari, elle pleura, elle s'effondra, elle implora tous les pardons du monde, tout en sachant que les lois en vigueur interdisaient ce pardon-là et qu'elle risquait la répudiation et la mort.
    L'homme - dont l'amour n'avait pas faibli, bien qu'il le cachât - lui demanda de monter dans sa chambre et d'attendre sa décision. Elle lui obéit. Pendant toute une nuit, l'homme resta seul. Il pria, il réfléchit à ces notions complexes que sont l'amour et la fidélité, il relut également le texte des lois en se demandant, devant la diversité des hommes, s'il était vraiment possible d'établir des obligations s'appliquant à tous.
    Il pria encore, il réfléchit jusqu'au fond de lui-même, il s'interrogea. Il prit enfin sa décision.
    De bonne heure, il sortit. On le vit en différents endroits de la ville. Vers la fin de la matinée, il rentra chez lui et demanda aux serviteurs de préparer un repas pour deux personnes.
    Quand le repas fut prêt, il fit descendre sa femme et la pria de s'asseoir en face de lui. Silencieuse, elle présentait un visage pâle et fatigué, où se voyaient encore les traces des larmes de la nuit.
    - Mangeons, lui dit-il.
    Pendant qu'on servait le repas, l'homme rappela à sa femme que le lendemain soir ils recevaient des invités, et qu'elle devait veiller à la bonne marche de la soirée. Il lui dit aussi que les ouvriers allaient venir, un peu plus tard, pour réparer une partie du toit, qui s'était récemment effondré, et qu'il comptait sur elle pour les accueillir et les surveiller.
    Bref, il se comportait avec elle comme il l'eût fait en tout autre jour, normalement. Rien ne paraissait le troubler.
    La jeune femme s'étonnait, et même s'inquiétait, de l'attitude de son mari, de qui elle attendait reproches et punitions.
    Quand ils commencèrent à manger, l'homme lui dit :
    - Tu ne déplies pas ta serviette ?
    En effet, dans son désarroi, elle avait oublié de prendre sa serviette de table. En la dépliant, elle y découvrit un écrin portant la marque du meilleur bijoutier de la ville.
    Elle ouvrit l'écrin, elle y vit un bijou magnifique.
    - C'est pour qui ? demanda-t-elle, dans le plus profond des étonnements.
    - C'est pour toi, lui dit son mari.
    Elle regardait le bijou sans comprendre, sans oser même le toucher.
    Elle dit enfin, d'une voix tremblante :
    - Mais je n'ai pas mérité de le recevoir !
    - Non, lui dit son mari, mais j'ai mérité de te l'offrir.

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